INTERVIEWS

SECONDE PARTIE DE L'ENTRETIEN

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JULIEN LACOMBE & PASCAL SID
(Réalisateurs du "Peuple Ancien")


- La nervosité de Didier (et son air un peu constipé) colle en fait parfaitement à son personnage (qui n'a pas envie de s'enfoncer dans les bois), donc c'est peut-être pour ça qu'on ne remarque rien (c'est marrant, ça me fait penser à PREDATOR, dans lequel le mal à l'aise de Dutch dans le film est en fait dû à l'angoisse de Schwarzenegger qui appréhendait... son mariage!). C'est comme Nicolas : apparemment, il a un tic en bas de la bouche quand il parle, mais, là encore, ça va bien avec le personnage. A part Romain par moments (peut-être que je l'ai trouvé trop baraqué pour le rôle du lettré, peut-être que son style de jeu est trop contemporain, je sais pas, j'ai pas accroché), j'ai d'ailleurs trouvé tous vos acteurs très pros dans l'ensemble : c'était des amis, des professionnels, ou les deux?
- Julien Lacombe : Les acteurs ont tous été castés... mis à part le rôle du lettré! Au départ, ce rôle, plutôt mineur au niveau dialogue, devait en effet être joué par un ami scénariste, qui s'est finalement désisté quelques jours avant le tournage. Ambiance "Ca va les gars? Je suis au Festival de Cannes, là!" - "Et ton rôle dans le film?!" - "Oh bah, ça va pas être possible, je crois..." Du coup, il a été remplacé au pied levé par Romain Chesnel, un de nos amis d'enfance, qui suit lui aussi une formation de comédien. Les autres acteurs, nous les avons obtenus grâce à un jeune directeur de casting, David Baranes, qui a fait un excellent travail sur ce film et que je remercie d'ailleurs grandement...
- Pascal Sid : Pour ma part, je trouve que Nicolas est le plus mauvais acteur du film! Il a effectivement ce tic à la bouche et, crois-moi, si on avait remarqué ça pendant le casting, jamais on ne l'aurait pris pour jouer dans le film! Pourtant, le fait est qu'il nous avait bluffés... Sûrement aussi parce que ses concurrents n'étaient pas nombreux et, surtout, pas très performants : en fait, Nicolas a été notre Nero faute de mieux. En ce qui concerne Romain, outre le fait qu'il soit arrivé au dernier moment et qu'on ne pouvait plus rien changer, une blague s'est mise à circuler pendant le tournage, comme quoi son personnage (le scribe) était homosexuel et, du coup, on a laissé faire. Ca se faisait beaucoup à l'époque [romaine] et, en y repensant, au montage, on était morts de rire sur chacune de ses répliques! Mais bon, pour le remontage, on va l'enlever, purement et simplement...

- Vous allez complètement faire disparaître le personnage de Cnaeus du film?
- J.L. : Non, en fait, on va juste supprimer toutes les répliques parlées de Romain, ou presque. L'entendre nous est devenu impossible! Pourtant, c'est un pote, mais lui aussi en a honte, donc... (rires)

- Les deux monologues de Nero, c'est un hommage à celui de la fille dans PREDATOR, ou bien ils étaient déjà dans la nouvelle de Lovecraft?
- J.L. : Il s'agit bien entendu d'un hommage à PREDATOR; d'ailleurs, il y a quelques phrases "empruntées" au monologue de la fille...

- C'est bien ce qu'il m'avait semblé remarquer ...
- P.S. : Nicolas est tout de même moins crédible que la fille de PREDATOR! Et, du coup, on n'arrive pas à croire à ce qu'il dit. Mais c'est toujours une question d'interprétation; dans PREDATOR, la fille est terrifiée lorsqu'elle raconte son histoire, et les autres personnages, mis à part Dillon, sont consternés.
- J..L. : En fait, pendant l'écriture du scénario, j'avais toujours en tête cette idée de "predatoriser" la nouvelle de Lovecraft...

- Puisqu'on en parle, vous pourriez me dire deux mots sur le travail d'adaptation de la nouvelle? (que je n'ai toujours pas réussie à trouver d'ailleurs! Tant pis pour la petite comparaison que j'aurais bien voulu faire...) A voir le film, comme ça, on penserait plutôt à du Robert E. Howard (le papa littéraire de Conan) qu'à du Howard P. Lovecraft...
- J.L. : Disons que la nouvelle était plus complexe et plus dialoguée. Elle était de même plus imposante, avec ses 600 soldats et ses nombreux personnages parlants! En fait, j'ai surtout tenté de conserver le pitch (des Romains se font massacrer par des monstres dans une forêt) plutôt que de l'adapter au rebondissement près, ce qui n'aurait d'ailleurs pas été possible... Quant aux parties contemporaines, elles nous ont été suggérées par un scénariste qui nous encourageait à créer une boucle et à ne pas laisser l'épisode romain sans véritable fin.

- "Ce ne serait pas la première fois que les armées romaines mettent fin à une tradition ancestrale" : vous vouliez faire référence à quelque chose en particulier avec cette réplique?
- J.L. : Non, pas spécialement. Les armées romaines ont toujours tenté de substituer certaines traditions régionales et de les remplacer par les leurs, mais il s'agit plus d'une question historique que cinématographique. Je cherchais surtout à montrer l'impunité de l'armée romaine, qui fait ce qu'elle veut...

- A partir de cette scène, vous avez repris plusieurs morceaux du score rejeté que Graeme Revell avait composé pour le premier montage du 13EME GUERRIER. Vous aviez dit à SFX que votre intention était de faire une sorte de "PREDATOR chez les Romains", mais LE 13EME GUERRIER, c'est aussi une sorte de "PREDATOR chez les Vikings", donc ce choix musical est finalement assez cohérent. D'ailleurs, c'est étonnant, vous avez fait correspondre la musique de Revell avec un fondu enchaîné (de Germanicus à un plan large de la forêt) exactement au même endroit où elle accompagnait une ouverture au fondu chez McTiernan (sur le matte-painting de Bagdad)... Je sais que vous êtes des fans de musiques de films : qu'est-ce que vous avez pensé du score de Revell par rapport à celui de Goldsmith? (Au fait, vous l'avez trouvé facilement?)
- J.L. : Non, nous ne l'avons pas trouvé facilement! Un ami fondu de bandes originales de films (il en possède plus de 700 ou 800!) l'a déniché sur Internet et, lors d'une séance d'écoute chez lui (nous cherchions des musiques qui puissent correspondre à l'esprit du film), nous sommes tombés en arrêt sur ces morceaux. En tout cas, ce score est très impressionnant. Je ne pense pas qu'on puisse le comparer à celui de Goldsmith, que j'aime aussi beaucoup, mais qui ne joue pas sur les mêmes sentiments. Disons que la musique de Revell est plus subtile, alors que le score de Goldsmith est plus puissant, plus ronflant, et peut-être aussi un peu plus caricatural, mais ce n'est pas forcément un mal.
- P.S. : Personnellement, je préfère le score de Revell, car il possède une âme et une forte inspiration orientale. Il ressemble moins à ce qui se fait d'habitude pour les films de studio, et le fait qu'il ait été rejeté en même temps que McTiernan est plutôt bon signe : ça prouve qu'il était en osmose avec ce dernier, et donc que le score était parfait pour son film. Et s'il était parfait pour McTiernan, il l'est pour nous aussi!

- Alors, bizarrement, j'ai appris tout récemment que McTiernan désirait en fait Goldsmith dès le départ, et qu'il n'a (paraît-il) jamais entendu la musique composée par Revell! Plutôt dur à avaler, hein? A propos, vous avez essayé d'autres morceaux sur certaines séquences?
- J.L. : Oui, mais je n'ai plus vraiment d'exemples en tête... Ah, si! Sur l'un des monologues de Nero, nous avons testé des morceaux de PREDATOR, mais l'hommage était bien trop évident et la musique trop didactique.
- P.S. : En fait, il me semble que j'avais utilisé des pistes de PREDATOR quasiment tout au long du film, mais, au montage final, seule la dernière piste est restée, à cause des tam-tams...
- J.L. : Nous nous étions lancés le défi de sélectionner des pistes que personne (ou presque) ne pourrait identifier...

- Je parlais de matte-painting tout à l'heure... Il y en a aussi dans LE PEUPLE ANCIEN, le plus notable étant celui du fort. Quelles étaient les sources d'inspiration de celui qui s'en est chargé (apparemment, Basile Bernard)?
- J.L. : La source d'inspiration de Basile était un dessin que je lui avais envoyé. En fait, il avait fait des essais personnels, mais nous les avions trouvés fort peu concluants! Je lui ai donc dessiné un fort et il l'a reproduit en 3D. D'ailleurs, si on fait bien attention, sur ce fort, on peut voir des soldats sur les tours : il s'agit de moi! On m'a filmé en DV et incrusté dans la peinture numérique...

- La fumée, dans ce plan, elle est aussi numérique?
- J.L. : Oui, elle donnait un peu de consistance à la peinture...

- Combien y a-t-il de plans truqués dans le film, au final? (Je sais, c'est pas STAR WARS, mais quand même, ça mérite d'être signalé, non?)
- J.L. : 6 ou 7, si je me souviens bien... C'est pas STAR WARS, non, mais c'était déjà assez complexe! On devrait, de toute façon, exploser ce chiffre dans HK...

- Vous avez eu recours à certains "trucs" pour gonfler la figuration? (là, je ne pense pas au numérique, mais plutôt à la façon de filmer...) ou peut-être, au contraire, pour dissimuler l'absence de grosse figuration, lors des plans de déplacement de la colonne?
- J.L. : Oui, bien sûr, comme par exemple filmer seulement une partie de la "colonne" et ne jamais la montrer en entier (à l'exception du plan du fort, où nous avons eu notre journée de figuration maximale; Pascal et moi en faisions même partie, d'ailleurs!).
- P.S. : Avec le recul, on aurait pu la filmer au télé-objectif, mais le soucis, c'est que, en s'approchant d'un peu trop près, on se serait vite rendu compte que nos Romains ressemblaient étrangement à des étudiants en cinéma!

- Pas de problème particulier à signaler avec les chevaux?
- J.L. : Non. L'équipe qui s'occupait des chevaux était très capable et très professionnelle. Un grand merci à eux, au passage (c'était le Centre Equestre de la Gorge aux Archers). Le seul problème était la peur irraisonnée qu'avait Romain (le questeur) des chevaux! Il en avait une frousse terrible et certaines maladresses de jeu de sa part (je pense notamment à la séquence où ils abandonnent les chevaux) sont principalement dûes à cette peur...

- Au fait, qu'est-ce que c'est qu'un questeur, au juste?
- J.L. : La questure était un échelon de la vie politique romaine; les questeurs étaient en charge de l'approvisionnement en vivres dans les cités. Disons qu'un questeur aurait pu avoir sa place dans cette colonne, en tant que fonctionnaire observateur d'une colonie romaine allant mettre un peu d'ordre chez les barbares... C'était juste histoire de "faire Romain"!

- Les battements de tambours, ils sont originaux, ou bien vous les avez samplés quelque part? (Il y en a de presque semblables dans CONAN, LE BARBARE et LES 7 SAMOURAIS...) Je dois avouer que j'ai eu du mal, au début, à les entendre, c'est-à-dire à les différencier de la musique...
- J.L. : Si je me souviens bien, les tambours ont été samplés. Quant à savoir où, je ne m'en souviens plus très bien. Pascal a peut-être un meilleur souvenir...
- P.S. : Il me semble qu'ils avaient déjà été samplés par les mixeurs, sans nous dire d'où ils provenaient... Personnellement, je les aurais souhaités plus présents, et participant davantage à l'ambiance générale, avec beaucoup plus d'interaction avec les acteurs. En fait, je pense que le jeu d'Olivier Pagès est tellement dégagé des évènements, tellement peu concerné, surtout pour un premier rôle, qu'on n'arrive pas à se sentir en danger à travers lui. Le personnage de Tallius aurait dû progresser au fil des minutes, mais bon, on fera mieux dans le long métrage!
- J.L. : Quant au problème de différenciation entre musique et tambours, c'est en effet un des gros problèmes de l'ancien mixage, qui reste, à ce jour, un de nos gros regrets sur le film. Nous prévoyons d'ailleurs un remontage plus serré, ainsi qu'un remixage et une nouvelle orchestration symphonique, complètement originale celle-là...

- Un bourdonnement de mouches sur une image de cadavre, c'est fou ce que c'est cliché, mais c'est fou comme ça fonctionne bien aussi! Ce cadavre, d'ailleurs, n'était pas dans le scénario d'origine, si je ne me trompe : à la place, vous aviez prévu des crânes plantés dans des pieux, non? D'où vient ce changement? D'une rencontre providentielle avec la maquilleuse du film?
- J.L. : Le cadavre a été rajouté dès lors que nous avons découvert le lieu de tournage : cette pierre et cet arbre étrange nous "obligeaient" à mettre un cadavre à cet endroit! Pour ce qui est de "l'anecdote de la maquilleuse", je laisse à Pascal le soin de nous la raconter...
- P.S. : En fait, ce n'est pas vraiment une anecdote, mais plutôt un mini-événement, qui a pris un peu trop d'importance à mes yeux. Lorsqu'on a demandé un cadavre, le seul qui correspondait, c'était Barnaby, l'ingénieur son, qui faisait déjà partie des figurants romains, des figurants archéologues, et qui s'imposait donc pour faire le cadavre. Mais la maquilleuse, folle qu'elle était, s'est proposée pour faire le cadavre... nue! Elle en a parlé à Julien, en privé, et... il a refusé. Dommage. Mais, c'est vrai que, là, on se serait peut-être retrouvés en pleine série Z d'horreur italienne des années 70! Donc on a opté pour Barnaby. Il est parti se faire maquiller, et lorsqu'il est revenu, il était recouvert d'une substance bizarre et affublé d'une énorme cicatrice toute sanguinolente. En le voyant, tout le monde a dit "Cool!", mais moi, je le trouvais trop "propre" comme cadavre. J'ai donc pris une poignée de terre et je l'ai balancée sur la plaie. "Pas mal!" J'en ai balancé encore deux poignées et, là, ça me paraissait parfait mais, derrière moi, la maquilleuse, qui me voyait saccager son travail de 4 heures à grands coups de terre, ne semblait pas du tout être du même avis, et je pense qu'avec une poignée supplémentaire, il y aurait bientôt eu deux cadavres sur le rocher, dont un sans ses yeux! (rires)

- La teinte "orange" des scènes crépusculaires, vous l'avez obtenu au tournage avec des filtres, ou en post-prod?
- J.L. : En post-prod. La séquence, même tournée vers 8 heures du soir, restait incroyablement verte...

- Au moment où le morceau de Revell se fond pour de bon dans le morceau de Silvestri (en gros, sur le plan de ciel étoilé), il y a un gros effet sonore, un peu comme un bruit d'eau jeté sur un feu... Ca faisait déjà partie de la musique, ou c'est vous qui l'avez rajouté par-dessus?
- J.L. : Non, c'était sur la piste musicale, nous n'y avons pas touché.

- Si j'ai bien entendu, à partir de là, c'est du PREDATOR 2 qu'on entend, et pas du PREDATOR, vrai? C'était volontaire (à cause des percussions plus prononcées, peut-être? - qui collaient au style vaudou de certaines séquences du film de Stephen Hopkins), ou c'est tout simplement parce que vous n'avez pas pu mettre la main sur un bon bootleg de la musique du premier film?
- J.L. : La piste de PREDATOR 2, trouvée par Pascal, était en effet plus sauvage que la B.O. de PREDATOR; c'est principalement pour cette raison que nous l'avons préférée à d'autres musiques. Les percussions sont totalement dans l'ambiance de la scène...

- Quelles leçons avez-vous tirées des scènes éclairées à la torche?
- J.L. : Que notre parti-pris de départ, à savoir "Eclairons seulement à la torche!", était impossible à tenir (nous avions quand même 2 ou 3 kilos de lumière qui éclairaient l'action) et, de plus, très imprudent : en effet, au final, certains plans se sont avérés sous-exposés et donc irrattrapables! Mais, maîtrisée et perfectionnée, je suis sûr que ça aurait pu donner une image magnifique...
- P.S. : On peut aussi rappeler qu'une torche, ça doit d'abord s'allumer, et que, en plein milieu d'une scène, lorsqu'il y a 15 personnes qui descendent dans le froid, et qu'il faut les faire attendre le temps d'allumer 15 torches, on commence sérieusement à regretter d'avoir choisi un éclairage à la torche!

- Pourquoi avoir renoncé au plan des torches qui s'éteignent une à une (pour signaler la mort de la garde restée en arrière)? Par faute de temps, là encore?
- J.L. : Impossible de trouver un lieu de tournage assez vallonné qui nous aurait permis de faire correctement fonctionner cet effet! Dommage : personnellement, je l'aimais beaucoup...
- P.S. : Il aurait aussi fallu beaucoup d'hommes, et beaucoup d'éclairage!

- "En position!", c'est quand même mieux que "Manoeuvrez!" Qui a décidé de changer cette ligne du dialogue?
- J.L. : Je crois que c'est Olivier Pages, pour le coup! C'est vrai que "Manoeuvrez!", ça n'était pas formidable, surtout avec une vingtaine de figurants...

- Vous êtes satisfaits de l'étalonnage des scènes nocturnes? On a quand même un peu de mal à voir ce qui se passe... Je comprends bien que c'était voulu (vu que la véritable nature des attaquants devait rester indéterminée), mais quand même...
- J.L. : En fait, la version DIVX que tu as vue a "mangé" une bonne partie de la lumière. De plus, ce sont les seuls plans du film qui n'ont pas été étalonnés, parce que la dominante colorée y était parfaite et que beaucoup de plans étaient à la limite de la sous-exposition. D'un autre côté, je pense qu'il n'aurait pas été souhaitable d'en voir beaucoup plus...
- P.S. : Je dirais même : heureusement qu'on n'y voit pas grand chose!

- Vous avez cherché à dissimuler le visage des assaillants au moment du tournage (ou au montage) ou pas?
- J.L. : Nous avions maquillé certains visages, en effet; nous ne voulions pas qu'on puisse croire que les assaillants étaient des êtres humains!

- C'est marrant, ils ont eu recours au même procédé sur LE 13EME GUERRIER avec les Wendols... Je crois qu'on arrive dans la partie du film que j'aime le moins : Pascal en avait déjà parlé, les bruits des épées ne sont pas assez boostés (les bruits de lames fendant l'air sont biens, mais les autres bruits sentent trop le son direct, surtout les coups contre les boucliers; ça manque peut-être aussi de bruits organiques de chair tranchée?) et le suicide de Nero n'est pas assez explicite à mon goût (trop court, peut-être?)...
- J.L. : Je crois que tu as tout dit sur le mixage! Les mixeurs qui ont travaillé sur le film n'était pas présents lors du tournage et n'ont donc rien pu préparer; ils sont arrivés en catastrophe, suite au désistement de notre mixeur le jour-même où il devait commencer ("Allô, les gars? Greenpeace vient de m'appeler, je suis au Havre, ça va pas être possible pour le mixage de ce matin!"). Bref, ils ont fait le maximum, avec ce qu'ils avaient, et c'est déjà pas mal. Les coups d'épées ont été récupérés sur le making of DV, la prise de son direct était bien trop faible pour être exploitée... Bref, c'est un gros ratage mais, normalement, la version "prestige" devrait y remédier, donc patientons... Le suicide de Nero est, en effet, amené de façon un peu étrange, mais, là encore, c'était une question de temps.

- Par contre, j'aime bien l'idée de Cnaeus qui continue à écrire son journal en se servant du sang qui coule de sa blessure (elle était peut-être déjà dans la nouvelle de Lovecraft?) et j'adore le plan subjectif de Tallius sur les étoiles qui disparaissent dans le ciel, mais quelle est sa signification, exactement?
- J.L. : L'écriture avec le sang est de nous, si je me souviens bien, car il n'était pas question de papyrus dans la nouvelle de Lovecraft. Quant au plan sur les étoiles qui s'éteignent, il est directement issu de la nouvelle où les étoiles disparaissaient, pour signifier que ces hommes avaient affaire à des démons et ne se battaient plus contre des hommes...

- Parlez-moi des combats "filmés à la chinoise", comme vous dites... Ils avaient été répétés avant le tournage? Comment ça s'est passé avec Enrico Horn?
- J.L. : "Filmés à la chinoise", car filmés rapidement! Parce que, au niveau du style de la mise en scène, on est bien loin de la Chine! Les combats ont été chorégraphiés directement sur place, dans la journée qui a précédé la nuit de tournage, par Enrico et son équipe de cascadeurs. Pascal et moi avons adapté nos plans en conséquence, tout en sachant que nous n'avions pas beaucoup de temps pour filmer le tout.

- Je crois savoir que vous avez d'autres projets en cours avec Enrico?
- J.L. : En fait, ce projet a déjà été tourné. Ca s'appelle HK, et c'est à voir plus en détails sur notre site : www.4-16prod.com...

- D'où vient l'idée du flash blanc pour le retour à l'époque contemporaine, qui n'était pas dans le script?
- P.S. : C'est un procédé assez courant, en fait, lorsque tu veux passer d'une scène sombre à un ciel ou à une scène très exposé. On l'avait déjà utilisé sur SUPAFLY...
- J.L. : Ca paraissait assez évident, pour quitter une scène qui battait son plein et revenir à une scène plus calme. Je crois même que c'était dans le storyboard...

- Je sais que je passe mon temps à critiquer, mais je n'aurais pas fait sortir Magali du champ à la fin du plan en travelling sur les trois archéologues qui se retournent... Il y avait là un plan de visages en contemplation typiquement spielbergien à faire; ou alors, encore une fois, c'était voulu, pour faire plus "4-16 prod" que Spielberg, puisque votre plan isole les deux autres pour se concentrer sur Magali, et c'est d'ailleurs la seule à figurer dans le contrechamp suivant (qui est aussi le plan final)... Expliquez-moi ce que vous avez voulu faire...
- J.L. : Nous ne désirions pas que les trois personnages prennent un air contemplatif, qui risquait de rendre le plan ridicule; nous voulions aussi un peu de mouvement, quelque chose qui sorte de l'ordinaire. Comme Magali se démarquait des deux autres, par la croyance qu'elle avait dans le papyrus, le fait qu'elle se lève marquait qu'elle avait compris ce qui se passait, et puis c'était aussi l'occasion de faire un joli plan sur la fumée, avec Magali en amorce...
- P.S. : En fait, nous avions tourné un autre plan, typiquement spielbergien : juste avant que Magali se retrouve seule, de dos, on avait un plan où deux autres archéologues regardaient dans la direction de la fumée. Le problème, c'est que les acteurs étaient Julien et Meurice (notre chef-op), peu reconnus pour leur juste interprétation de la surprise et de l'étonnement! Donc, on ne l'a pas gardé... Mais je pense qu'il t'aurait plu.

- Vous aviez pensé à d'autres chutes pour la fin?
- J.L. : Non. Notons juste que la première version du synopsis ne comprenait pas les parties contemporaines et se terminait simplement sur les soldats Romains en train de se faire massacrer...
- P.S. : Une chute incroyable aurait été qu'elle appelle la police, et qu'une escouade du GIGN se dirige vers la forêt alors qu'il commence à faire nuit! (rires)

- Je crois savoir que tout le film a été storyboardé. C'est une obligation pour un court, ou c'était principalement dû à l'ampleur du projet?
- P.S. : Logiquement, tout film devrait être storyboardé s'il y a une limitation de tournage. Pour un premier assistant, sans storyboard, c'est la débandade : il ne sait plus où il va! Seuls des génies ou des superstars tournent sans storyboard : ça revient à faire du trapèze sans filet!
- J.L. : Je pense que c'est effectivement une obligation sur chaque court métrage. Comme ça, au moins, on a toujours quelque chose sur quoi se reposer, même quand on décide de changer le découpage en cours de tournage.

- Comment s'est passé le travail avec le storyboardeur? Il a simplement refait en mieux ce que vous aviez déjà gribouillé (ce qui est déjà un gros boulot, j'imagine) ou il a lui aussi apporté des idées visuelles?
- J.L. : Le storyboardeur n'a refait que quelque planches, que nous avons jointes à notre dossier de production. Le reste du storyboard était fait de nos gribouillages, à Pascal et à moi, que, dans l'ensemble, nous étions d'ailleurs les seuls à comprendre! (rires)

- Et vous avez beaucoup varié par rapport à ce qui était prévu dans ce storyboard?
- J.L. : Enormément! Le manque de temps a rendu le film plus statique; trop de plans fixes et pas assez de mouvements. La dernière coupe budgétaire, survenue quelques jours à peine avant le tournage, nous a privé de deux journées d'extérieurs et de notre steadycam. Bref, le film a été entièrement redécoupé sur le tournage et simplifié à l'extrême.
- P.S. : Lorsqu'on regardait le storyboard, on discutait 30 secondes et on trouvait une solution intermédiare. Le déclic, ça a été au moment du premier travelling du film, celui sur Magali, qui a mis une heure à se monter! On s'est regardés et on s'est dit : "Bon, les travellings, déjà, stop!" Le principe étant : "On tourne comme on a dit, ou on finit le film?" Car la réalité du tournage est souvent très dure. C'est la partie la moins créatrice et la plus aléatoire de la production d'un film. Je me souviens du temps où je maudissais les réalisateurs qui affirmaient détester les tournages. J'en suis maintenant arrivé au point où je commence à les comprendre, surtout après HK! Mais je ne maudis pas encore les tournages. Pas encore...

- Au final, vous êtes plutôt satisfaits du résultat ou pas (je parle du film)? (On parlait de re-visionnages de films : vous arrivez à le revoir en mettant de côté ses petits défauts ou ça vous gêne encore trop?)
- P.S. : Impossible de le revoir! Peut-être dans 5 ans...
- J.L. : Ce film m'est, personnellement, devenu insupportable à regarder! Je n'arrive pas à le voir sans penser à ce qu'il aurait pu être, avec plus de temps et d'argent, mais aussi avec plus d'expérience dans la composition du cadre. Mais l'expérience vient avec les tournages...

- Justement, et si c'était à refaire...?
- J.L. : Plus de mouvements, plus d'amorces, plus d'action, moins de blabla!
- P.S. : Je le transposerais à une autre époque, genre Seconde Guerre Mondiale, avec beaucoup plus d'action... Je suis chaud pour le refaire!

- Quelle a été la diffusion du PEUPLE ANCIEN?
- J.L. : Il est passé dans plusieurs festivals, sur TMC normalement (on sait que la chaîne l'a sélectionné pour diffusion et a reçu la béta, mais nous n'avons pas eu de nouvelles depuis...) et un peu partout sur le net.

- Vous avez eu un bon retour? Je l'ai montré à des amis qui ont pensé à ASTERIX et à VERCINGETORIX plutôt qu'au 13EME GUERRIER et à GLADIATOR! Je crois qu'ils n'ont pas tout compris... (rires)
- J.L. : Tout dépend des gens, en fait. Beaucoup ont aimé, beaucoup ont detesté... Dans l'ensemble, les gens ont apprécié l'intention. Et nous ont dit qu'ils avaient, par moments, l'impression de regarder un long métrage, ce qui reste le plus beau compliment qu'on nous ait fait!
- P.S. : Le plus beau compliment, selon moi, c'est lorsque j'explique à certaines personnes tout ce que je pense du film et tous les défauts qu'il comporte, qu'on va en faire des 1000 fois mieux, que ce n'est qu'un petit film, et qu'ils me répondent : "Franchement, si j'avais déjà fait ça dans ma vie, je serais content!"

- En parlant de références, vous avez souvent mentionné Terence Malick. A cause des plans de nature sauvage?
- J.L. : En fait, c'était à cause de la photo : nous voulions une photographie "à la Terence Malick", avec des éclairages naturels (comme dans LES MOISSONS DU CIEL, la plus belle photo de tous les temps!).

- Je voudrais maintenant éclaircir quelque chose. Par moments, vous avouez la référence au 13EME GUERRIER (comme source d'inspiration visuelle, par exemple, dans l'interview donnée sur le site web d'un passionné de péplum), et par moments, vous la reniez plus ou moins (à SFX qui vous posait la même question, vous répondez : "Franchement, non."). Alors, oui ou non?
- P.S. : Très sincèrement, LE 13EME GUERRIER, à partir du moment où l'histoire ne se déroule pas à la même époque, sur le tournage, il m'était complètement sorti de l'esprit. Et, pour tout t'avouer, comme je l'ai déjà dit, un film ne se fait pas au tournage : si tu veux qu'il ressemble au 13EME GUERRIER, c'est au moment de l'écriture qu'il faut y penser; pendant le tournage, tu passes surtout ton temps à te demander comment tu vas bien pouvoir réussir à tourner les 15 plans suivants en l'espace de seulement 2 heures, avant que la nuit ne tombe, plutôt qu'à te dire "Mais comment je pourrais bien faire pour que ça ressemble au 13EME GUERRIER?"
- J.L. : Disons que nous pensions plus à PREDATOR, mais LE 13EME GUERRIER est, à mon avis, un excellent film et nous a peut-être inconsciemment influencés, surtout que nous marchions sur les mêmes sentiers...

- J'allais oublier : vous avez tournez où exactement? Dans le Sud de la France?
- J.L. : Non, pas si loin! (rires) Près de Paris, en fait, à Fontainebleau.

- Pascal a plusieurs fois parlé du DVD. Qu'en est-il exactement? Ces retouches multiples que vous voulez y apporter (alors que le film est fini et qu'il a été vu), c'est votre petit côté George Lucas?
- J.L. : Quand le nouveau montage sera achevé, nous comptons en effet diffuser un DVD, qui comprendra LE PEUPLE ANCIEN ainsi que notre nouveau court métrage, HK. Le tout sera bien sûr accompagné de moults bonus. Nous en reparlerons bientôt sur notre site...
- P.S. : On est les George Lucas les plus cheap que tu aies jamais vu! Notre DVD, ce sera plutôt le contraire : ce ne sera pas "Regardez comme on a plein d'argent, de figurants et d'effets spéciaux!", mais plutôt "Voilà ce qu'on voulait faire, et voilà le résultat!", suivi d'un grand éclat de rire général! Le tout avec la forme, quand même... Le DVD indispensable des cinéastes sans argent, quoi!

- Et bien, merci pour toutes ces infos, les gars, et bonne chance pour la suite!


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