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Ma rencontre avec John McTiernan...
par Yossarian


On devrait jouer plus souvent aux jeux d'Allociné.
Je veux dire : c'est quand même grâce à eux que j'ai eu l'occasion de rencontrer John McTiernan.

La scène se passe en Avril dernier. Tentant pour la énième fois de gagner un pauvre DVD (là, pour le coup, ça n'a jamais marché), j'en profite pour m'inscrire au concours dont le prix consiste à venir rencontrer McTiernan, alors en pleine tournée promo pour BASIC.
Et le lendemain, miracle : un mail laconique de SND, la société qui distribue le film, m'apprend que j'ai gagné, et que je suis donc attendu le vendredi suivant, au Plaza Athénée, pour dix minutes avec le Boss, McT, un type qui a deux films inscrits à mon Top Ten de ces vingt dernières années (DIE HARD 1 & 3, pour ceux qui ne suivraient pas).

Alors, avant de raconter, juste deux mots sur moi, pour que vous compreniez ce qui se passait dans ma tête à ce moment-là. Je suis un passionné, moi, pas un expert. Un peu plus que cinéphage (car préférant quand même plus souvent un Despleschin à une série Z cantonaise-élue-film-de-l'année-par-Tarantino) mais pas tout à fait cinéphile (en tous cas incapable d'écrire un article pour "Les Cahiers". Pour "Première" ou feu "Starfix", à la rigueur). Je me suis donc dit que j'allais me faire aider, et la plupart des questions que vous allez lire ci-dessous m'ont notamment été proposées par un gentil forumeur de DVDRama (X-Ben, si tu nous regardes...), qui prépare un mémoire de maîtrise sur le cinéaste et voulait vérifier deux ou trois hypothèses. La question sur LES CHASSES DU COMTE ZAROFF, par exemple, c'est lui.

Enfin une dernière chose : je ne suis pas journaliste, non plus. Je n'avais pas de gros magnétophone, comme Chabrol et Truffaut quand ils ont interviewé Hitchcock il y a presque un demi-siècle. Je ne peux donc pas reproduire in extenso l'entretien que nous avons eu ; je me contente d'en reproduire les principaux points, en espérant que cela rassasiera la soif d'info des fans (même si la plupart de celles que je rapporte ont sûrement déjà (ou depuis) été publiées ici ou là) mais, pour moi, évidemment, l'essentiel était ailleurs. Il était dans le plaisir immense de passer un moment avec un type dont on admire le travail, il était dans ce sentiment solaire d'être en train de faire ce qu'on a toujours rêvé de faire, ce pour quoi on est fait (tailler le bout de gras avec des artistes, je veux dire, pas juste gagner des concours sur Allociné).

Arrivée ensoleillée au Plaza Athénée en milieu d’après-midi, direction la suite 109-110 où McT enchaîne donc les interviews promotionnelles pour la sortie de BASIC, dont la sortie n'est prévue que plusieurs semaines plus tard, et que je n'ai donc pas encore vu. L’équipe de SND, qui a organisé le séjour du Maître, de sa femme et de son agent (il faut que je leur envoie un CV, à ces gens-là, c'est pas possible), m’accueille fort gentiment. McT est à côté, il termine une interview pour "Mad Movies" (plus tard, en patientant dans la pièce où a eu lieu l’entretien, j’apercevrai sur une table basse qui doit valoir le prix de mon appart’ le DVD cellophané de LA NUIT AMERICAINE, offert par les deux journalistes qui avaient entendu dire que McTiernan était fan) ; ensuite, il a un entretien filmé pour le DVD (de BASIC? Déjà?) et après, ben après c’est à moi. "Quinze minutes", me dit l’attaché de presse (ce qui doit vouloir dire "dix") avant qu’il ne file pour une séance photo.

Je patiente donc une heure, en discutant avec les gens de SND (je veux un job comme le leur!). Leur demande notamment ce qu’ils ont pensé de BASIC, qu’ils ont, eux, déjà pu voir. Du bien, apparemment : ce serait aux deux tiers un huis-clos, "mais il n’y a jamais deux plans semblables, pas le moindre champ/contre-champ, c’est magnifiquement mis en scène". Je n’ai pas prévu tellement de questions sur BASIC, sachant que j’en lirai bien assez dans la presse plus tard. Et puis une porte se ferme, une autre s’ouvre, et voilà, John McTiernan est devant moi.

Grand, baraqué, en costume bleu sombre et boots marron, il ressemble à... à l’image que j’en avais. Un côté Springsteen, j'avais presque envie de l'appeler "Boss". Une bouteille de Coca vissée aux lèvres, il avoue qu’il avait complètement oublié cette histoire d’entretien avec un fan. Puis il rigole, hausse les épaules et s’assoit dans le canapé en face de moi. Me demande qui je suis, ce que je fais dans la vie (j’ai un peu menti en répondant à la deuxième question - je hais mon job). Puis c’est une demi-heure plutôt joyeuse qui s’écoule. Il répond à tout, s’enflamme en racontant la fin qu’il avait initialement prévue pour LE 13EME GUERRIER, rigole en évoquant LAST ACTION HERO-"le sacrifié" et encore plus quand je lui demande "Et DIE HARD 4...?". Florilège, donc.

Je me lance avec une question facile : ses films préférés? "Mostly italian movies". "Oh?" (fis-je, dans la langue de Shakespeare moi aussi). Et lui de me citer HUIT ET DEMI, FELLINI ROMA, LA LUNA et l'essentiel de Bertolucci (damned, je connais très peu Bertolucci!). Et puis aussi WEEK-END de Godard. Le bonhomme est impressionnant.

J'enchaîne avec la question de mon forumeur DVDRamien : déception (pour lui, moi je pense que je m'en remettrai), McTiernan ne connaissait pas THE MOST DANGEROUS GAME a.k.a. LES CHASSES DU COMTE ZAROFF (au début, il a confondu avec un autre film, réalisé par "the guy who did PREDATOR 2" - j’ai regardé sur IMDb, et le tout premier film de Stephen Hopkins s'appelle effectivement DANGEROUS GAME - cela dit, c’était le début, mon anglais n’était pas encore chaud - et puis finalement non, il ne connaissait pas ce film-là...). Je lui ai également parlé du sujet de mémoire qui motivait la question, "Le thème de la partie de chasse dans l’oeuvre de John McTiernan", il a paru un peu étonné, ne confirmant ni n’infirmant. Je devais de toute façon découvrir que, comme la plupart des grands réalisateurs américains (surtout les formalistes - cf. l’ami DePalma, qui nous fait un Hitchock/Truffaut décevant malgré Blumenfeld et Vachaud), McTiernan répugne à intellectualiser à outrance son travail. A nous, donc, ce terrain passionnant.

Sur LE 13EME GUERRIER : il me raconte que la fin qu’il avait initialement prévue (et source du principal désaccord avec Crichton) était exactement celle d’un vieux film de 1964, ZULU, de Cy Endfield, avec Michael Caine et Stanley Baker, film que je n'avais pas vu mais il m'a mimée la scène! Apparemment (je rappelle que tout l'entretien s'est déroulé en anglais et qu'il n'est pas impossible que quelques subtilités m'aient échappé), dans ZULU, une poignée de soldats britanniques se retrouve à la fin dans le fort qu'ils défendent depuis le début, tandis que des milliers et des milliers de Zoulous se rassemblent sur les montagnes autour et lèvent leurs lances en scandant des chants guerriers. Les soldats sont terrorisés, persuadés qu'ils vont prendre la raclée de leur vie, les chants augmentent en intensité mais les Zoulous ne bougent toujours pas, si bien qu'un des soldats dans le fort, la trouille au ventre, demande à son chef "Qu'est-ce qu'ils foutent ces putains de Zoulous, ils vont se décider à venir en finir et nous buter ou quoi?" et l'autre lui répond que le chant indique non pas qu'ils vont venir les massacrer mais qu'au contraire ils saluent leur courage pour leur résistance jusqu'ici... (Bon, on n'a qu'à dire aussi que ça aurait vachement mieux rendu filmé par McT que raconté par moi!) Il a aussi dit qu'il y avait eu d’autres points d’achoppement avec Crichton, mais seulement des "divergences mineures" (sans préciser plus). Bref, pour ce film-là, il a plutôt envie de "move on". Pas de director’s cut en vue, donc.

Sur LAST ACTION HERO : y-a-t'il un director’s cut de prévu en DVD? Il n’est pas au courant (dit-il en rigolant). "De toute façon, la seule chose dont a besoin ce film, ça n’est pas d’un director’s cut, c’est simplement d’être monté!", explique-t-il. Il s’est écoulé trois semaines entre la fin du tournage et la sortie en salles (contre six mois généralement), avancée par les studios pour contrer JURASSIC PARK (souvenez-vous...). Il parle de tous ces plans-séquences à la Dolly qu’il aurait fallu couper et monter. Pour lui, un director’s cut n’aurait pas de scènes supplémentaires mais simplement... 20 minutes en moins! Il était aussi navré que les studios aient vendu le film au public comme l’ultimate action flick, la réponse définitive d’Arnold aux vélociraptors, et que c’est pour ça qu’il s’est planté. Pour lui, LAST ACTION HERO est un conte de fées, un simple conte de fées (avec un sous-texte susceptible de distraire les adultes venus accompagner leurs mioches, certes, mais un conte de fées quand même). Anyway, là encore, pas de director’s cut en vue.

On a aussi pas mal parlé de ses "expérimentations" - lui parle plus volontiers de "gimmicks" (glissées ici quelques références à mes moments préférés ; et, n’en déplaise à une certaine majorité cinéphile, parmi eux la scène de vision nocturne dans ROLLERBALL, scène d'une audace incroyable et film que j’aime bien par ailleurs, ou encore l’incroyable scène de l’ascenseur dans DIE HARD 3 - on a bien passé dix minutes dessus, mais j’aurais trop de mal à retranscrire. On était juste contents d’être d’accord sur le fait que c’était une grande scène).

Un peu de BASIC aussi, où je lui ai demandé si c’était justement pour essayer des nouveaux trucs qu’il s’était intéressé à un huis-clos. "On a juste essayé tous les gimmicks possibles pour le rendre cinematic..." Le sujet? "La relationship [Note: là, c’est moi qui fait mon Jean-Claude Van Damme, pas lui!] entre John Travolta et Connie Nielsen." A ce propos, il découvre en même temps que moi l’affiche française du film, "much better" que l’américaine, même s’il regrette encore que le visage de Connie Nielsen n’apparaisse pas entre les deux ex-Pulpards. L’équipe de SND explique que, pour mieux vendre le film, ben... Il s’empare de l’affiche pour leur montrer comment ils auraient pu faire ("Le titre plus haut, les deux visages plus bas, le visage de Connie ici..."), le tout très gentiment - contredisant sa réputation d'ours, voire de yes-man (ils m’ont expliqué avant comment, sur les huit ou neuf entretiens filmés qu’il a eu, il n’y en a eu qu’un où il a expliqué au réalisateur qu’il était absurde de mettre les deux caméras comme ça, qu’il valait mieux les installer comme ça... "mais gentiment, pas du tout caprice de réal qui se la joue". Pourquoi je raconte ça? Parce que j’ai été moi aussi sous le charme, sans doute).

Ha oui, DIE HARD 4. Il m’explique que toutes les rumeurs actuelles sont entretenues par Bruce [Willis] et les studios dans un jeu de ping-pong destiné à faire monter les enchères. Mais est-ce que ça le tenterait? (La bêtise de la question m’a frappé au moment même où je la posais - et l’évidence de la réponse m’a fait l’effet d’une gentille remise en place : "S’il y a un bon scénario, pourquoi pas". Mais pour l’instant, donc, il n’y a rien).

Et voilà. Il y a eu encore deux ou trois sujets que je garde pour moi (ben ouais, fallait gagner après tout...), c’est passé super vite, et au bout de trente minutes l’attaché de presse a fait signe qu’il était temps d’y aller. On s’est serré la main et je suis parti en pensant aux dix milliards de questions que j’avais oublié de lui poser (par exemple : "Et sinon, vous chercheriez pas à embaucher un assistant par hasard?"), je me voyais encore une fois comme les jeunes Chabrol et Truffaut, sortant de chez Hitchcock avec leur grand magnétophone - sauf que moi, si ma mémoire de l'incident est bonne, je ne me suis pas foutu à l'eau dans un bassin des jardins du Plaza. On fait ce qu'on peut!

Grand bonhomme. Dans tous les sens du terme.

 

Post-Scriptum (Septembre 2003) : depuis cet entretien, je suis allé passer cet été deux semaines chez lui, dans son ranch du Wyoming... Non, je déconne. Depuis cet entretien, j'ai vu BASIC, McTiernan tourne un polar à Canton (un-zéro pour lui), je lis en rigolant les toujours présentes rumeurs de sortie d'un DVD director's cut de LAST ACTION HERO, et j'ai même entendu dire un moment que DIE HARD 4 serait réalisé par Florent-Emilio NID DE GUEPES Siri (mais je crois que non, finalement. Peut-être une occasion à saisir pour Claude Lelouch, dans les semaines qui viennent?). Je n'ai pas tellement aimé BASIC (qui m'a donné un peu le même sentiment que le FEMME FATALE de DePalma - autre réalisateur favori ; j'ai eu l'impression que c'était un peu un film pour fayoter auprès de ses admirateurs. Oui, je sais déjà que tu sais faire tout ça magnifiquement. Mais ton histoire n'est quand même pas hyper passionnante...). Il n'empêche. Quand je repense à cette demi-heure, je continue à faire "Hé, hé, hé!".

© 2003 - Yossarian (spriollet@yahoo.fr)